Trois mois à peine après avoir remporté la campagne à la direction des progressistes-conservateurs de l’Ontario, Doug Ford a mené son parti à former un gouvernement majoritaire lors des élections provinciales du 7 juin. Se laissant porter par une forte vague antilibérale et le sentiment anti-Kathleen Wynne, Doug Ford l’a emporté sur le NPD, solution retenue par les Ontariennes et Ontariens.
Malgré son impressionnante victoire de 76 des 124 sièges du parlement provincial nouvellement élargi, la campagne de Doug Ford a été presque détruite par son piètre rendement et la remontée d’Andrea Horwath, chef du NPD. À mesure qu’avançait la campagne, surtout après les deux premiers débats des chefs, l’élan d’Andrea Horwath a pris de l’ampleur et elle est apparue bien placée pour l’emporter. Certains sondages indiquaient qu’elle était en avance tandis que d’autres la montraient à égalité avec Doug Ford. Mais voici que dans les deux dernières semaines, l’élan du NPD a ralenti puis s’est affaibli légèrement. Plusieurs facteurs ont pu y contribuer. Certains commentateurs suggèrent que la performance d’Andrea Horwath lors du dernier débat a été inégale alors que plusieurs voyaient Kathleen Wynne comme la vainqueure. Également, la décision stratégique du PC de rediriger ses publicités offensives vers le NPD lui a permis de miner l’élan du NPD. Tout d’abord, le PC a fait référence au spectre du gouvernement néodémocrate de Bob Rae, au début des années 1990, qui a fait que l’Ontario a été frappé par une récession. Ils ont aussi attaqué le NPD pour avoir des candidats « radicaux » qui ont contesté le symbolisme entourant le port du coquelicot et ont proposé une augmentation du prix de l’essence de 35 cents le litre.
En même temps, les PC ont commencé à encercler Doug Ford avec de futurs membres du conseil des ministres afin de manifester leur empressement à diriger. Tout particulièrement, il avait des candidates bien en vue à ses côtés, Christine Elliott et Caroline Mulroney, laissant entendre qu’il avait l’appui des femmes. En revanche, malgré le fait que le PC les ait nargués, le NPD n’a jamais présenté son éventuelle équipe du conseil des ministres entourant Andrea Horwath, préférant plutôt mettre en valeur son leadership. Avec du recul, une séance de photos avec plusieurs de ses députés provinciaux établis aurait pu lui donner l’occasion de faire ressortir son équipe de direction, plus particulièrement les candidats bien établis qu’on ne pourrait pas accuser d’être « radicaux ».
Néanmoins, Andrea Horwath a mené en général une très forte campagne et a présenté aux Ontariennes et Ontariens une option sérieuse tant à Kathleen Wynne qu’à Doug Ford. La décision stratégique de présenter un programme électoral à gauche de Kathleen a permis à Andrea d’amoindrir tout regain de Kathleen auprès des électeurs progressistes. Andrea a donné aux progressistes, qui étaient extrêmement déçus par la vente de la participation majoritaire dans Hydro par Kathleen Wynne, une option plus sûre pour exprimer leur vote. Et, quand les progressistes ont décidé qu’Andrea Horwath était leur choix, elle a neutralisé la croissance potentielle de Kathleen.
Pour Kathleen Wynne, ses chances de se faire réélire ont probablement été vouées à l’échec dès l’instant où elle a décidé de vendre la majorité d’Hydro à des intérêts privés. Avant cette décision, Kathleen se représentait réellement comme la défenseure du secteur public, en particulier comparativement à la promesse électorale de 2014 de Tim Hudak, ancien chef du PC, d’éliminer 100 000 postes de fonctionnaires. Dès qu’elle a perdu sa marque de défenseure du secteur public, ses efforts subséquents pour reconquérir les électeurs progressistes par des augmentations au salaire minimum, des avancées en matière de garde d’enfants et des améliorations aux lois du travail ont été considérés par plusieurs de stratagèmes politiques cyniques. Ensuite, lorsque les néodémocrates d’Andrea Horwath ont présenté leur programme électoral avec de nouvelles mesures progressistes, la chance de Kathleen de récupérer des électeurs progressistes a été fortement minée et son sort était scellé. Tout ce qu’elle pouvait faire à ce moment, c’était d’essayer de sauver suffisamment de sièges pour conserver le statut de parti officiel pour les Libéraux à l’Assemblée législative.
Quant à ce que nous réserve le gouvernement majoritaire de Doug Ford, malgré ses séances de photos mettant en valeur une équipe de direction, il est probable que Doug Ford aura tendance à mener seul. Sa carrière en affaires réaffirmera cette propension et, concrètement, le pouvoir dévolu au premier ministre par notre système parlementaire convient très bien à ce type de leader solitaire. À ceux qui pensent que la formalité et la notoriété du poste de premier ministre ou l’influence de ses conseillers atténueront le caractère de Doug Ford, il suffit de regarder Donald Trump pour constater à quel point le décorum perçu et les responsabilités très importantes de la présidence des États-Unis l’ont adouci. Nous devrions nous attendre du premier ministre Doug Ford qu’il pense et qu’il agisse comme le Doug Ford que nous avons appris à connaître.